En 87 jours, 4 jeunes étudiants parcourent le Népal à pied sur le sentier du Great Himalaya Trail

Publié il y a 2 ans

[Article relayé par Voyager Loin]

1. Les prémices de l’aventure

Au printemps 2017, François lance l’idée d’une traversée intégrale du Népal à pied. Très vite, une équipe se forme autour de ce projet à l’aspect sportif et solidaire. C’est à 4 que nous nous lançons dans sa préparation avec l’objectif de le faire éclore le temps d’une année de césure pendant nos études d’ingénieur. Une aventure d’une telle envergure ne se prépare pas du jour au lendemain. Pendant près d’un an et demi, nous regardons les cartes, envoyons des mails, appelons des entreprises et gérons les aspects administratifs.

Nous retenons la joie immense de la première réponse positive à nos demandes de sponsoring et du premier article parlant du projet dans le journal local. À l’inverse, nous retenons les nombreuses déconvenues de nos mails restés sans réponse et les prises de tête face à l’administratif. Nous réalisons que ce projet est un tout. La phase de préparation est en quelque sorte, les prémices de l’aventure, avec des hauts et des bas et des difficultés imprévues. La phase d’action et de vécu du projet en est la consécration.

De gauche à droite : Aubin, Thibaud, François et Jérémy lors de notre traversée du Népal en 2018

Finalement, en septembre 2018, nous posons, Aubin, François, Jérémy et Thibaud, nos premiers pas sur le Great Himalaya Trail du côté de Taplejung, petite bourgade de l’Est népalais. Nous décidons d’emprunter la route dite “culturelle”, longue de 1500 km, que nous envisageons de parcourir en 3 mois.

Le parcours de notre Great Himalaya Trail sur 1500 km et 70 000 m de dénivelé

2. Une traversée loin des chemins touristiques battus

Par définition, une aventure est une succession d’obstacles prévus ou imprévus. Dans cet article, nous nous attardons sur 10 moments qui ont marqué cette aventure de 87 jours. Chaque événement est décrit par l’un d’entre nous.

● Escortés par l’armée à Phidim (vu par François)

En réalité, dire que notre aventure a débuté à Taplejung n’est pas tout à fait juste. Pour y parvenir, nous avons rencontré quelques péripéties. Partis de Katmandou en bus, l’objectif est de rallier Taplejung, petite ville à quelques encablures de la frontière Est du pays, en un jour et demi de trajet. Cependant, rien ne s’est passé comme prévu. Le temps est allongé ici. Tout est plus long et en particulier pour se déplacer. Pour un tel voyage, un bus en France n’en aurait eu que pour 2h, ce qui est loin d’être le cas au Népal.

Nous voyageons à bord d’un bus local. Par ce terme, il faut entendre un tas de tôles rouillées monté sur ressorts. Les routes sont en piteux état. Elles ne sont goudronnées qu’aux abords de la capitale ou sur la grande route du sud du pays. Le reste n’est que pistes en terre sur lesquelles une jeep serait plus appropriée. Bien que voyageant de nuit, impossible pour nous de fermer l'œil. Nous ne tenons pas en place sur notre siège, les nids de poule qui jonchent la route nous propulsent en l’air, notre tête frôlant de peu le plafond du bus par moment. La nuit s’annonce longue et peu reposante.

Le soleil se lève enfin sur les paysages désertiques du sud du pays, lorsque tout à coup le bus s’arrête et le chauffeur nous empresse de sortir. Il nous fait comprendre qu’il ne va pas plus loin et nous laisse sur le bord de la route avec nos sacs. Nous sommes dans la petite ville de Birtamod, au sud-est du Népal. Nous sommes encore très loin du départ de notre trek, loin de notre destination. Moment de panique et d’incompréhension, nous essayons de comprendre ce qui se passe. Nous cherchons en vain de trouver un autre moyen de transport, mais personne ne veut nous prendre. Il se trouve que les conducteurs sont en grève et que particuliers comme professionnels refusent de prendre la route.

Après plus d’un jour de recherche et de négociation, nous parvenons enfin à trouver une jeep pour nous rendre à Ilam où nous découvrons d’immenses cultures de thés. Nous sommes soulagés d’avoir pu avancer, mais la grève se poursuit et nous ne parvenons pas à trouver un chauffeur pour la suite du trajet. Le lendemain, la grève est levée pour le District et un conducteur accepte de nous amener à prix fort, sachant que les autres districts n’ont pas encore levé la grève. Arrivée à Taplejung prévue pour 18h, il faudra pourtant compter 5h30 de plus pour atteindre notre destination.

Nous avons enfin repris la route !

Notre chauffeur est tendu. Il est risqué de prendre le volant pendant la grève, les conducteurs étant la cible de violences. Il s’arrête plusieurs fois en route, téléphone à la main pour s’assurer qu’il n’y a pas de danger au prochain village. Aux abords de la ville de Phidim, nous stationnons à côté de camions de police.

Après quelques minutes d'attente, c’est surpris que nous faisons notre entrée dans la ville de Phidim, escortés par la police. Nous passons à vive allure, mais nous pouvons sentir les regards lourds que nous portent certains locaux à notre passage. Bruit strident de pneus qui crissent. Notre chauffeur descend, regarde la roue, crie quelque chose en népalais aux policiers et nous repartons doucement avant de nous arrêter dans un garage à la sortie de la ville. Une pièce dans la roue s’est cassée et il faut réparer.

Le camion de police nous laisse et quelques hommes viennent discuter (un peu fortement) avec notre conducteur, mais les choses s'apaisent. Les réparations prennent un peu de temps. Nous repartons finalement en pleine nuit, sans escorte. Tendus, nous croisons un premier barrage militaire où notre conducteur s’enregistre. Plus loin, un second pour prévenir que du verre pilé a été dispersé sur la route. Finalement, nous arrivons à Taplejung à 23h30, rincés par ces 4 jours de voyages, rythmés par les imprévus.

4 jours de transport vous avez dit ?

● Perdu dans les rizières à Khadbari (vu par Aubin)

Notre sixième journée de marche sur les sentiers népalais est un condensé de tout ce que nous avons vécu dans le début de cette traversée... sous la moiteur des tropiques ! En effet, en cette fin de mousson, l'humidité et la chaleur rendent nos journées difficiles, nous nous acclimatons tant bien que mal à ce climat qui nous est si peu familier. Pour cette sixième étape, nous devons rejoindre la ville de Khadbari pour y effectuer notre premier jour de repos. L’étape est longue, nous partons donc de bon matin, et après avoir avalé un paquet de biscuit chacun, nous nous enfonçons dans la jungle. La forêt se réveille doucement, le brouillard est encore épais, difficile de voir à plus de 3 mètres !

Le chemin s’enfonce dans les entrailles de la forêt

Nous faisons notre trace au milieu de cette végétation luxuriante et des araignées omniprésentes qui se dressent au milieu de notre chemin. Après avoir passé le fond de vallée, nous arrivons dans des rizières où le chemin disparaît. Heureusement un Népalais nous aide à la traverser et indique la route à suivre, mais le dialogue est difficile et les indications qu’on nous donne sont floues. La sente monte dans la jungle, mais après 1h de marche pénible, à nous relayer pour “faire la trace” nous nous apercevons que nous sommes beaucoup trop au Nord ! Le programme de la journée est long et nous y laissons beaucoup d’énergie pour retrouver notre chemin.

Une pause bien méritée, il est 9h est nous sommes déjà trempés de sueur !

Nous atteignons enfin une piste carrossable et quittons la jungle pour la matinée. Nous ne devons pas être beaux à voir, un homme en moto s’arrête pour nous offrir des bananes, voilà de quoi être rebooster pour la journée ! Après une énième traversée de rizière où Jérémy a sans doute voulu se rafraîchir en tombant la tête la première dans un canal d’irrigation, la dernière montée pour atteindre Khabari se profile à l’horizon.

Voilà presque 10h que la marche a commencé, le repas du midi a été expédié en cours de route et cette montée semble être insurmontable. Nous rassemblons nos dernières forces en pensant au jour de repos bien mérité du lendemain. On “débranche le cerveau” , on serre les dents pour affronter ces derniers mètres de dénivelé.

Thibaud dans la montée finale, vous remarquez que même la Gopro transpire !

Nous arrivons à Khadbari lessivés, mais heureux du travail accompli. Nous dénichons par hasard un hôtel, encore en construction, qui veut bien nous accueillir. L’hôtel est tout confort et en voyant les matelas,nous sommes aux anges. C’est idéal pour récupérer de toutes les nuits passées sur des planches de bois ! Clap de fin pour cette première semaine qui a montré un Népal haut en couleur !

● La marche dans le ciel au Khumbu (vu par Jérémy)

À l’origine du projet, il y a cet irrésistible appel des sommets himalayens. Après trois semaines de marche sous une mousson tardive, nous rejoignons la région du Solu Khumbu, terre des Sherpas. De Namche Bazar, nous décidons de faire la boucle des trois cols dans le sens horaire afin d’éviter “l’autoroute” de l’Everest. Nous remontons la magnifique vallée de Thame et Lumde avec en ligne de mire le premier haut col, le Renjo La, à 5360m.

Nous remontons la vallée, seuls, alors que les nuages se dispersent progressivement pour libérer les hauts sommets enneigés

4000m. Nous fêtons le chiffre symbolique en partageant quelques biscuits “coconuts”. Les pelouses semblent s’embraser sous le soleil alors que nous sommes surplombés par les premiers rochers et glaciers de haute montagne. 5000m. Impossible de fêter ce nouveau palier. Nous avons beau faire attention et respecter les étapes d’acclimatation, des nausées me guettent. C’est étrange, il semble qu’à cette altitude, tout se passe plus lentement, mon esprit est embué, j’ai l’impression de m’observer depuis l’extérieur.

Vue sur le Makalu depuis le Renjo La Pass à 5360m

Le col est là. Le paysage grandiose surgit d’un coup avec au loin l’Everest. Je suis en mode survie. Impossible pour moi de profiter. Je lutte. Je ne m’attarde pas et commence la descente vers Gokyo. Chaque pas est un coup de marteau piqueur dans mon crâne. Je fais des pauses régulièrement et m’allonge sur des rochers. Je vis un calvaire et subis ce mal des montagnes dont on nous a tant parlé. Après un petit vomi au lodge, je retrouve mes esprits. Tout passe. La suite de la boucle est une véritable marche dans le ciel à côtoyer ces géants de roche et de glace.

Cho La (5420 m), Kala Pattar (5643 m), Camp de base de l’Everest (5360 m) et enfin Kongma La (5540 m). En tout, 10 jours à plus de 4000m. On ne récupère jamais vraiment. Le retour à Namche et ses bakerys est bien apprécié.

● Bistarai Bistarai avec Bijay (vu Aubin)

L’étape du jour a été monotone, les corps sont fatigués et nous nous languissons de terminer cette journée qui paraît si longue mais ce ne serait sans compter sur les surprises que la marche peut procurer. Il est 16h quand arrive le dernier col du jour. C’est à ce moment que nous rencontrons Bijay et sa famille, une formidable histoire commence. Ils reviennent du festival Dashain qui a lieu tous les ans en octobre au cours duquel les hindous se réunissent.

À l’image de Noël, c’est l’occasion de se rassembler en famille. C’est donc un groupe très jovial que nous rencontrons et Bijay nous invite à faire la descente vers Shivalaya avec eux, le village où nous allons passer la nuit. Nous marchons “bistarai, bistarai” ou doucement, doucement en français.

C’est donc bien accompagné que nous poursuivons notre marche. Les gens parlent fort, le temps passe vite, nous sommes heureux !

Photo de la troupe au complet

Nous arrivons à Shivalaya à la nuit, partageons tous ensemble le même hôtel, le rendez-vous est pris dans quelques mois à Katmandou. Un moment de partage unique, comme seule la marche en a le secret !

● Aubin en mode zombie dans les Annapurnas (vu par Aubin lui-même !)

Demain nous nous élançons de Besisahar pour faire le tour du mythique massif des Annapurnas, après une journée de pause, nous sommes prêts à en découdre avec les 160 km qui nous attendent. Je prépare mon sac, comme tous les soirs, sans me douter que j’allais vivre les journées les plus dures de cette aventure. Le lendemain après quelques heures seulement sur une piste carrossable, je comprends rapidement que quelque chose ne va pas.

Les forces me manquent et l’appétit disparaît. Je ne mange même pas à notre quotidienne et sacrée pause de 10h, une première !

Ces sensations me rappellent la mauvaise expérience que nous avions vécue quelques semaines plus tôt, où nous étions tous restés cloués au lit pendant 3 jours. Un mélange de colère et d’incompréhension m’envahit, pourquoi le destin s’acharne ? Je pensais que nous avions déjà assez donné niveau maladie depuis le début de cette traversée.

Je suis d’autant plus en colère que les jours nous sont comptés pour terminer cette traversée, l’expiration de nos visas approchant à grands pas. Je décide donc de me battre et d’avancer coûte que coûte..

Puiser dans ses derniers retranchements pour avancer

Après 3 nuits blanches, 3 journées de marche sans manger, la raison l’emporte. Lapider mes dernières ressources dans un combat perdu d’avance est inutile. Un repos salvateur est l’unique solution pour envisager au mieux la fin de cette traversée et tant pis si l’étau des visas se resserre à vue d’oeil. Quelques jours plus tard, nous nous élançons pour notre dernier col à plus de 5 000 m, je savoure chaque pas comme une victoire. Ces désagréments ne rendent finalement que l’aventure plus belle.

● François perd connaissance à Chame (vu par Jeremy)

Sur ce tour des Annapurnas, nous atteignons, un soir, le village étape de Chame. La journée a été éprouvante. Nous avons souffert pour Aubin qui s’est fait violence pour progresser malgré la maladie. Après la recherche, devenue coutumière, du lodge, nous apprenons que des bains chauds se trouvent en périphérie des habitations. Nous ne comptons plus les jours sans douche et encore moins ceux sans douche chaude. Cette dernière doit remonter à Jiri près d’un mois plus tôt !

Le soir, serviette dans une main et savon dans l’autre, nous nous rendons avec engouement près du bassin où nous retrouvons touristes et népalais.

Dans les bains chauds, tout va encore très bien pour François !

À peine en slip dans l’eau bouillante, un touriste allemand fait un petit malaise et perd connaissance quelques secondes. La fatigue de plusieurs jours de marche sans doute ! Une dizaine de minutes plus tard, François s’assoit sur le bord du bassin, il fait trop chaud dit-il. Il est assez pâle et commence à dire qu’il ne se sent pas super bien.

À peine finit-il sa phrase que ses yeux virent au blanc et qu’il tombe en avant dans le bassin ! Je m’empresse de le réceptionner, mais son corps, complètement inerte, pèse très lourd. Thibaud ainsi qu’un touriste rencontré dans la journée viennent à mon aide. Les secondes filent et la situation n’évolue pas ! C’est très impressionnant d’autant plus que contrairement au malaise précédent, François ne reprend pas connaissance.

On le secoue, on lui met de grosses claques, mais rien n’y fait. On décide de le transporter de l’autre côté du bassin sous l’arrivée d’eau froide qui permet de réguler la température. L’effet est instantané. François se réveille dans une grosse inspiration. “J’étais en train de rêver les gars” Les vapeurs ont été désignées responsables de cet événement mais tout cela reste un mystère.

● Abandon de Thibaud après 1000 km (vu par François)

Quand on se lance dans une aventure telle qu'une traversée intégrale du Népal à pied, il est souvent difficile d'imaginer ce à quoi vont ressembler nos journées. Aucun de nous 4 n'a encore relevé un tel défi, aucun ne sait à quoi s'attendre. C’est dans l’inconnu que nous nous lançons sur les sentiers du Great Himalaya Trail. Nous savons que cette marche sera parcourue d’imprévus et de difficultés. Mais quelles seront-elles ? L’avenir nous le dira.

Une aventure de 90 jours est plus dure mentalement que physiquement. Le corps s'habitue de jour en jour à l’effort tandis que notre esprit s’évade souvent pendant de longues heures, en quête de réponses face à nos incertitudes. La marche est propice à la réflexion, à la rencontre de nous-mêmes mais aussi à la rencontre des autres.

Une petite Népalaise interpelle Thibaud et comme beaucoup de locaux elle s'interroge : "Pourquoi ne prenez-vous pas le bus !?"

À la sortie de la région du Solu Khumbu, après 1 mois de marche, Thibaud nous fait part de ses doutes. Pour lui, le dépassement physique et l’accomplissement sportif ne suffisent pas à donner un sens à la marche. Contrairement à nous, les rencontres avec les locaux, les paysages exceptionnels et les moments de partage entre copains ne contrebalancent pas la monotonie de la marche. La lassitude se fait sentir rendant la progression difficile.

C’est stupéfait que nous encaissions cet aveu. Nous ne nous y attendions pas du tout. Nous n’avons pas su déceler la détresse de notre camarade d’aventure et sur le moment nous ne savons quoi lui répondre tant nous sommes sous le choc.

Un mois plus tard, après avoir foulé les sentiers des Annapurnas, Thibaud décide de nous quitter. Cette décision est mûrement réfléchie. Pendant ce dernier mois, il a pu tourner et retourner le sujet, se remettre en question et faire face à ses doutes. Contrairement à ce qu’il aurait pu penser avant le début de cette aventure, la marche sur une très longue durée ne lui correspond pas. Il n’est pas épanoui dans cette traversée et ne parvient pas à trouver ce qu’il était venu chercher ici.

Nous poursuivons cette marche à 3, bouleversés par le départ de Thibaud. Nous nous retrouverons un mois plus tard du côté de Katmandou, où il a pu entamer, un peu en avance, la partie solidaire de notre projet, auprès des élèves de l’école VHMaVi.

Derniers pas pour Thibaud du côté de Béni

● Discussion muette à Thankur (vu par Aubin)

Saisis par le vent glacial, nous pressons le pas afin de réchauffer nos membres endoloris. En arrière-plan, les sommets du Dolpo nous laissent rêveurs. Nous venons de passer notre objectif de la journée, le col Phalgune Pass à 4 000 m, qui marque notre entrée dans le cœur de la réserve du Dhorpatan.

En ce mois de décembre, les fins de journées sont rudes et les nuits glaciales. Nous voulons arriver au petit village de Thankur avant la nuit, en espérant que quelques nomades soient encore présents afin de pouvoir manger ce soir et dormir au chaud. Les deux maisons constituant le village se profilent à l’horizon, notre joie est grande lorsque nous apercevons de la fumée émanant de l’une d’entre elles.

L’hôte de ce soir vit toute seule dans ce petit village si reculé, nous sommes stupéfaits. Nous essayons de nous faire comprendre avec notre très maigre vocabulaire de népali que nous avons appris au fur et à mesure des rencontres, en vain ! Nous optons pour la langue des signes pour demander l’hospitalité, le message est compris immédiatement et nous voilà tous autour du feu, les regards en disent parfois plus que les mots. Ce soir là, le dal bhat a une saveur particulière, peu de mots sont échangés et pourtant cette discussion muette nous marquera pour longtemps.

Notre hôte (la didi) de ce soir préparant le dal bhat

● Le district le plus pauvre du Népal (vu par jeremy)

Nous laissons derrière nous la petite ville de Dhorpatan sous un soleil d’hiver alors que les prairies sont blanches de givre. Dans quelques jours, si tout va bien, nous devrions atteindre Dunaï dans le Dolpo. Cette traversée est parmi les plus sauvages de notre marche. Nous croisons un petit village de 2-3 maisons chaque jour et les rencontres que nous faisons se comptent sur les doigts d’une main. Nous entrons progressivement dans le district du Rukum, l’un des plus pauvres du Népal du fait de son isolement. Il semblerait que les voies de communication aient évité la zone.

La curiosité que nous suscitons pour ces enfants d’un village du Rukum nous bouleverse

Difficile d’échanger avec les locaux qui ne parlent pas un mot d’anglais. Nous passons de petites écoles et des villages misérables perchés à flanc de vallée. L’hiver approche, beaucoup ont déjà quitté ces contrées pour un climat moins hostile. A Dhule, nous sommes accueillis au coin du feu par la maisonnée au complet. Les discussions en népali fusent alors que nous assistons, incrédules, au rude quotidien du peuple himalayen.

Grosse ambiance le soir autour du feu alors que nous ne comprenons pas un mot de la conversation

● Une nuit à 4000m en hiver dans une tente népalaise (vu par François)

Nous foulons les terres du très sauvage Dhorpatan aux prémices de l’hiver. Cette ancienne réserve de chasse n’est que très peu peuplée à cette période. Au départ de Dhule, c’est avec un peu d’appréhension que nous nous élançons à la lueur de nos frontales. Cette journée s’annonce longue et difficile, d’autant plus que nous venons de quitter les dernières personnes que nous verrons avant le lendemain soir. Nous ne traverserons aucun village aujourd’hui ni demain. Les informations que nous avons sur notre topo indiquent que le chemin est difficile à suivre et la sente à emprunter peu visible. Il fait froid, très froid. Tout ce qui nous entoure est gelé, de l’herbe que nous foulons jusqu’aux rivières.

La nuit en tente qui nous attend s’annonce glaciale et à l’altitude à laquelle nous évoluons, il n’y a pas de bois pour faire du feu. Contre toute attente, nous tombons sur les vestiges de cabanes en bambous lors de l’ascension du dernier col de la journée, culminant à 4500m. Quelle aubaine ! Nous chargeons nos sacs au maximum, ajoutant ainsi quelques kilos à porter jusqu’à la nuit.

Jérémy et François, les sacs chargés du bois trouvé au bord du chemin

Une fois le col passé, la descente est interminable. Nos jambes sont fatiguées, nos sacs sont lourds. Cela fait maintenant près de 9h que nous marchons. Nous finissons par atteindre le fond de vallée où s'écoule un ruisseau. Nous en profitons pour remplir nos gourdes avant d'attaquer la dernière montée de la journée. Une dernière bute et nous arrivons sur le replat indiqué sur le topo, replat sur lequel nous avons prévu de bivouaquer.

C'est complètement ahuri que nous y découvrons une grande roue métallique, un sol jonché de déchets plastiques et même un petit abri à l'intérieur duquel des sacs d'avoine sont stockés. Ce lieu est très certainement le campement des Népalais lorsqu'ils transitent par cet endroit. Mais c'est bien seuls que nous sommes ici.

Le soleil se couche et il commence à faire froid. Nous aménageons l'abri de façon à pouvoir dormir dedans. Nous plaquons la bâche au sol à l'aide de cailloux et nous fermons l'entrée à l'aide d'épingles à nourrice et d’une couverture de survie. L'espace est exigu, mais suffisant pour y entrer à 3. Le froid commence à nous mordre les doigts. Nous décidons de faire un feu.

Heureusement que nous avons transporté le bois trouvé plus tôt dans l'après-midi, car ici, à 4100m d'altitude, la végétation est très rare et les arbres aux abonnés absents. C'est au coin du feu que nous dégustons nos soupes réhydratées, avant de nous blottir au fond de nos sacs de couchage.

La nuit glaciale dans l’abri népalais

Nous avons disposé une couverture de survie au sol pour nous isoler du froid et Aubin en dispose également une autour de son sac de couchage. Grave erreur !

Les températures atteignent les -15°C dans l’abri et la condensation gèle sous la couverture d’Aubin, le glaçant jusqu’aux os. La nuit n’est également pas de tout repos pour Jérémy et moi. Jérémy est pris d'hallucinations et nous réveille en prétextant avoir vu une lumière dehors. Je suis quant à moi dérangé toute la nuit par une souris faisant des aller-retour à côté de moi.

Au petit matin, nous nous levons tous 3 éprouvés par cette nuit difficile. Il fait toujours très froid. Nous mettons nos chaussures et nous ressentons quelques instants plus tard d’intenses douleurs aux orteils. La transpiration dans nos chaussures a gelé pendant la nuit. Nous nous empressons alors de faire du feu avec le peu de bois qu’il nous reste. Il nous faut réchauffer nos pieds au plus vite si nous voulons atteindre un village, et surtout de la nourriture, avant la fin de la journée.

Une fois nos semelles dégelées, nous prenons un rapide petit déjeuner à base de nouilles chinoises. Je découvre alors que mon bol est percé, la souris s’est apparemment régalée avec les résidus de soupes qui restaient au fond du récipient. Un coup de sparadrap pour boucher l’orifice et nous voilà partis à l’assaut de cette dernière journée dans le Dhorpatan.

3. Un film documentaire

Il y a un avant et un après aventure. De la même façon que la préparation, la restitution de cette expérience nous est apparue faire partie intégrante du projet. L’objectif initial et rêvé était de réaliser un film documentaire sur cette marche. Voilà qui est fait ! Nous qui n’y connaissons rien, ni à la prise d’image, ni au montage, voici que notre film est programmé dans différents festivals !

La bande annonce

Un DVD a même vu le jour pour partager ce dépaysant voyage depuis le canapé. Il est disponible ici : https://400lieuessurlaterre.wordpress.com/le-dvd/

Dates et lieux des projections (il faudra attentre un peu avec ce qu’il se passe en ce moment) : https://400lieuessurlaterre.wordpress.com/les-projections/

Dorénavant nous souhaitons faire vivre ce film, avant de repartir vers des contrées lointaines, tant géographiques que psychologiques.

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Plus de détails sur cette aventure : https://400lieuessurlaterre.wordpress.com/blog/

chloevillemant
Par Chloe Villemant

Rédactrice en chef du site Voyager Loin. Passionnée par le voyage, je vous emmène avec moi dans une belle aventure à la découverte de notre planète ! Baroudeuse 2.0 et apprentie aventurière, je suis une ultra connectée qui prend le temps de déconnecter devant la beauté du monde.