Rencontre avec Capitaine Morgan, un aventurier qui a parcouru 20000 kilomètres en moto pour une écharpe
Morgan alias Capitaine Morgan a 32 ans, il est réalisateur de documentaires pour la télévision, mais est aussi un excellent photographe amateur. Ce passionné de voyage et d’images nous embarque dans une aventure digne de ce nom : 20 000 kilomètres à moto.
Voyager Loin est allé à la rencontre de cet aventurier peu ordinaire, qui s’est donné une mission toute particulière : très attaché à une écharpe perdue qu’il avait achetée à Rishikesh (Inde) quelques années plus tôt, il décide de retourner au même endroit afin de s’en procurer une identique.
L’amitié au coeur du projet
Max et Morgan sont meilleurs amis depuis l’adolescence. L’un semble plus conventionnel quand l’autre assume un côté rock’n’roll. Si de prime abord, les deux amis semblent très différents, la série « Sur la route de la soie » prouve, d’épisode en épisode, le lien qui les unit.

VL : Vous aviez déjà voyagé ensemble ?
Capitaine Morgan : Oui, mais ce n’était pas de longs voyages comme celui-ci. On était partis en Asie du Sud-est, au Laos, Cambodge et Vietnam. On a aussi vécu le Nouvel An le plus WTF de ma vie en Russie. Je n’ai que très peu de souvenirs de cette soirée, mais sur les photos j’ai l’air de beaucoup m’amuser.
VL : Depuis quand est-ce que tu voyages ?
CM : Ma mère est marocaine, donc je voyage entre la France et le Maroc depuis tout petit. Mon père est reporter donc il m’emmenait souvent sur ses tournages. Je n'étais pas le genre de gamin qui allait beaucoup à l'école. À l'âge de 18 ans, j'ai fait mon premier voyage seul. Ce n'était pas prévu, à la base je devais partir 2 semaines dans le sud du Maroc, mais, finalement, ces 2 semaines se sont transformées en 2 ans.
Je suis allé un peu partout. J'ai traversé l'Afrique, l'Asie du Sud-est, le Moyen-Orient, les États-Unis, le Mexique. Je vivais de petit boulot à droite à gauche sur la route. Depuis ça, je voyage tout le temps, en tout cas à une bonne partie de l'année.
VL : C’est quoi ta vision du voyage ?
CM : Ma vision du voyage, c'est le fait de se perdre. Mon premier gros voyage en solo, c'était il y'a 14 ans. À l'époque il n'y avait pas les réseaux sociaux. Ma mère avait de mes nouvelles une fois tous les 3 mois avec un coup de fil où je lui disais « voilà, là je suis au Togo ou aux Émirats arabes unis… ». Pareil on n’avait pas de smartphone, donc quand tu arrivais quelque part tu devais trouver comment faire pour trouver un hôtel, où pour prendre un train par exemple.

Je me souviens d'une fois, j'étais en Chine et là-bas ils n'ont pas notre alphabet. Mon plus gros défi, c'était que même quand quelqu'un écrivait une adresse sur un bout de papier, je devais essayer de comparer l'écriture manuscrite avec celle des panneaux de signalisation en me demandant si c'était la même chose. Donc je n'avais rien pour m'aider à l'époque.
Voyager maintenant c'est super facile. Pour moi l'aventure maintenant ça n'existe plus vraiment, on est trop bien encadré avec toutes ces technologies. Pourtant moi je suis jeune, mais j'ai déjà vu tout ça.
VL : D’où vous est venue cette idée d’un si long voyage à moto ?
CM : Ce projet à la base, c'est l'idée de Maxime. Quand il m'a contacté, il voulait voyager à moto jusqu'en Mongolie. Maxime est un vrai passionné de moto : sa famille fait de la moto, même quand on était petit on en faisait ensemble.
Moi à ce moment-là, j'étais en Amérique du Sud, je venais de perdre mon écharpe que j'avais achetée des années avant en Inde. Et donc je lui dis oui, mais je précise que pour aller en Mongolie ça va être compliqué à cause de la météo puisqu’on va arriver en plein hiver. Donc, allons en Inde et allons racheter mon écharpe. Maxime a donc été l’initiateur du projet.
Des préparatifs oui, de l’organisation, pas vraiment
Si beaucoup d’entre nous pense qu’un tel voyage se prépare pendant des mois. Les deux baroudeurs nous prouvent que la moto est un véritable vecteur de liberté.
VL : 20000 km ce n’est pas rien. Comment on prépare un voyage comme celui-ci ?
CM : Un voyage comme celui-là ce n'est pas simple à organiser. Il faut y aller étape par étape. Là en l'occurrence, on savait qu'on allait traverser des pays compliqués, surtout le Pakistan. Donc ça commence avant tout par des démarches administratives, tout ce qui est chiant. Mis à part ça ce n’était pas compliqué.
Ce qui était important c'était d'acheter des motos. Mais sinon on est parti complètement à l'arrache. Maxime était déjà plus préparé, par exemple il a pensé à la boîte à outils, tandis que moi je n'avais même pas de blouson de moto. Je n'avais qu'un perfecto de merde de chez Zara.
VL : Et pour l’itinéraire ?
CM : On n’a pas préparé d'itinéraire à l'avance, on voyait au fur et à mesure. On savait grosso modo que l'Inde est à l'Est donc on s'y dirigeait, mais quand on entendait parler d'un endroit sympa, on y allait. Puis quand un endroit nous saoulait, on partait.

On avait le luxe d'avoir le temps. On était pas organisés, et tant mieux, parce que je pense que pour cette série si ça avait été le cas on aurait eu la moitié des séquences qui auraient sauté.
VL : Mais donc pourquoi avoir ce moyen de transport ?
CM : Déjà parce qu'on aime la moto. Quand tu es à moto, tu es vraiment dans le pays. Tandis que quand tu es en voiture, tu es comme dans une capsule, un habitacle, et tout est plus compliqué. Déjà en voiture tu fais forcément de longs trajets. Alors qu’en moto c’est impossible.
Même 500 kilomètres c'est délirant, tu es beaucoup plus fatigué et tu t'arrêtes plus souvent. Mais surtout quand tu t'arrêtes c'est beaucoup moins contraignant. Il y'a aussi le fait que quand tu arrives quelque part, les gens sont intrigués et beaucoup plus faciles à aborder, donc ça initie un dialogue.
Mon idée de filmer mon voyage est venue de là, le rapport aux autres n’est pas le même.
VL : Vous avez choisi quels modèles ?
CM : Pour ceux qui connaissent, nous avons pris des Honda Transalp. Ce sont des motos qui ont fait leurs preuves. Elles ont fait le Paris-Dakar il y'a 20 ans. Nous avons donc pris deux Honda Transalp des années 90, elles n'ont aucun électronique Grosso-modo tu peux les réparer avec un tournevis et une clé anglaise.

Donc au milieu de nulle part, tu peux réparer toi-même ta moto ou trouver un mec qui pourra le faire. Si on avait pris une moto plus moderne, en cas de panne on aurait été foutus et il aurait fallu rentrer.
VL : Et côté équipement, vous transportez quoi ?
CM : Moto oblige, on a dû voyager très léger. À la base, je voyage déjà léger, mais là on a fait ça de façon extrême : 3 caleçons, 3 paires de chaussettes, 2 pantalons et 4 t-shirts, une polaire et un manteau. À côté de ça, Maxime avait la caisse à outils, et moi j'avais le matériel vidéo.
Une série de 17 épisodes qui retracent une aventure unique, mémorable
Morgan et Maxime nous offrent leur épopée en vidéo, avec 17 épisodes en ligne sur YouTube, qui comptent près de 2 millions de vues.
VL : On le voit tout au long de la série, les images sont incroyables, tu as filmé avec quoi ?
CM : J’avais une go pro pour filmer la route, un drone, et deux téléphones. Le téléphone est un super compromis pour avoir une image correcte et pour approcher les gens de façon naturelle.
Tout ça m’est venu d’une idée que j’ai eu un jour en Colombie. Je me baladais dans une favela, et là un mec est venu me racketter. Je lui ai dit : « attends, tu me rackettes si tu veux, mais d'abord, tu me fais faire le tour du propriétaire. Tu joues les guides et après tu me prendras tout ce que j'ai ».
Pendant que le mec me fait voir la favela, je sors mon téléphone et je commence à tout filmer comme si c'était un documentaire ; et je commence à interviewer le gars de façon naturelle.

Vu que c'était sur mon téléphone le type s'en foutait, alors que si j'avais sorti une caméra ou un reflex, il se serait servi direct. En fait c'est là que je me suis rendu compte que c'était plus facile avec le téléphone, car aujourd'hui tout le monde est sur les réseaux sociaux, on est habitué à ça.
Donc depuis je fais ça, je demande si ça ne dérange pas si je sors mon téléphone parce que je filme mon voyage, on me répond qu’il n’y a pas de problème et les gens continuent la conversation naturellement. Du coup toutes les scènes où l’on me voit parler avec les gens sont faites au téléphone et je trouve que c'est super, car toutes les séquences sont naturelles.
VL : Pourquoi avoir fait ce choix d’une série, plutôt que de faire un film ?
CM : J'ai choisi de faire une série, car pour 6 mois de voyage, on aurait eu un film de 5h. Là, même pour une série, il y a beaucoup de choses que je n’ai pas pu mettre. Je crois que je n’ai même pas monté la moitié des images que j’ai.
En fait, je ne m'attendais pas à une chose, c'est que les personnes qui ont vu la série, on les intéressait. Je veux dire, ils ne se sont pas intéressés seulement aux paysages, mais aussi à Maxime et à moi en tant que personnes. J’étais très étonné que les gens apprécient nos blagues qui à la base étaient destinées à nos amis. Si c’était à refaire, j’aurais peut-être retravaillé les premiers épisodes, car c’est sur la fin du voyage que l’on retrouve le plus de séquences où l’on nous voit en train de vivre notre petite vie, sans forcément que ça fasse avancer l’intrigue. À savoir, est-ce que je vais retrouver mon écharpe.
Une aventure forte en émotion
VL : Qu’est-ce qu’on ressent quand on part pour un voyage comme celui-ci ?
CM : Je ne veux pas parler pour Max parce que pour lui c'était une grande première, mais moi le voyage fait parti de mon mode de vie donc. La première étape c’était d’aller jusqu’à Nancy pour dormir chez ma cousine donc ça allait. En fait quand tu pars en voyage à moto aussi loin, ce n’est pas comme si l’on prenait l'avion et l’on arrive directement dans une autre culture.
Il n’y a pas de raccourci, tu avances petit à petit. La transition est progressive puisqu’on est passé par l’Allemagne, puis l’Autriche, la Slovénie... Quand on arrive en Turquie ça fait déjà 2 semaines qu'on est sur la route tu vois ? En fait il y a tout qui bouge petit à petit, les gens, les paysages… Tout arrive très naturellement et c’est vraiment un avantage de la moto.

VL : Difficile de résumer les plus belles expériences d’un tel voyage, mais y a-t-il une rencontre qui t’a plus marqué qu’une autre ?
CM : Je pense que le moment le plus fort en émotion, ça a clairement été la rencontre avec les Pachtounes au Pakistan (épisode 16). J’ai essayé de le faire au mieux transparaître dans l'épisode, c’était dingue. On parle de gens qui n'ont pas vu occidentaux depuis plus de 20 ans pour la plupart. Ce sont des gens qui ont beaucoup souffert à cause de l’Occident et nous on est arrivés là pour l’inauguration d’un hôtel. C’était le point de départ d’un renouveau pour eux et c’était fou de pouvoir y prendre part.

Ils dansaient, ils faisaient la fête alors qu’il y a encore peu de temps ils étaient sous le joug taliban. Et nous on arrive et l’on se fait inviter dans tous les sens. On leur demande de nous laisser payer, mais ils s’offusquent, c’est très important pour eux d’inviter. Nous, nous sommes un peuple méfiant, tandis qu’eux c’est le contraire, ce qui est louche c’est de ne pas inviter quelqu’un. Si quelqu’un ne veut pas d’un autre chez lui c’est qu’il a quelque chose à cacher.
Donc le fait qu’on soit chez eux à ce moment-là, qu’en plus je filme mon voyage, pour eux c’était une façon de prouver au monde qu’ils ne sont pas des terroristes, on est pas là pour faire la guerre, c’est important pour nous. Quand on m’a dit ça, ça m’a un peu bouleversé, je me suis senti investi de la mission de montrer qui sont vraiment les Pachtounes.
VL : Comment est né le gang de motards que vous avez créés sur la route ?
CM : Le voyage c’est d’abord des rencontres. C’est complètement improbable, mais en plein milieu du Pakistan on a réussi à tomber sur 3 autres motards qui viennent chacun d’un pays différent, et on s’est retrouvé tous les 5 dans le même hôtel pourri. C’est là qu’on s’est dit : « fondons un gang ! Les aigles de Karachi ». Alors qu’on n'a jamais mis un pied à Karachi.

Ce qui était à la base une blague a pris d’autres proportions. On a posté des photos avec le hashtag #eaglesofkarachi. Les autres motards pakistanais ont vu ça et se demandaient « mais c’est qui ce gang de motards dans le pays » ? C’est là qu’on s’est fait inviter par le Harley-Davidson Motorcycle Club, on se faisait reconnaître par d’autres gens alors qu’à la base c’était juste une blague. Arrivé en Inde, je me suis tatoué le symbole des aigles de Karachi.
VL : On a tous hâte de savoir si oui ou non, tu as retrouvé ton écharpe…
CM : Je ne vais pas vous le révéler, allez voir le dernier épisode !
VL : Et si c’était à refaire, il y a quelque chose que tu referais ?
CM : J’allais te dire que par exemple j’aurais prévu un kit chaîne, mais en fait non. Car si j’avais prévu ça je n’aurais pas eu à voir à quel point les Pakistanais sont incroyables. Je n’aurais pas eu 10 Pakistanais qui m’aident à charger ma moto dans un camion ni cette journée de suspens avec l’un d’eux qui veut me trouver une solution, et la découverte plus tard qu’au Pakistan tout est possible et que ce sont des gens formidables : ils ont sauvé ma moto, ils ont tout réparé et ils ne m’ont rien demandé en échange.

Donc voilà si c’était à refaire je ne changerais rien, car il y a une bonne raison à tout ce qui arrive. À nous de trouver cette bonne raison même dans le pire. Dans chacune des galères qu’on a connues durant ce voyage, il nous est arrivé un truc cool. Excepté peut-être un verre d’eau à Lahore que je n’aurais pas dû accepter… vraiment pas.
VL : Qu’est-ce qui a fait que tu es rentré ?
CM : J’ai reçu un coup de fil pour un tournage et donc je suis rentré. Mais si j’avais su que ce serait si compliqué aujourd’hui de voyager, j’aurais continué ma route en direction de la Birmanie. Je serais allé jusqu’en Indonésie, voire plus loin, pour voyager le plus possible.
Des rencontres tout au long de la route



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Namasté les baroudeurs ! Je suis Flora Deschamps. Voyageuse passionnée, je parcours le globe depuis plus de 12 ans et j'ai à cœur de transmettre ce goût de l'ailleurs. Mon voyage le plus marquant ? C'est l'Inde ! J'ai vécu deux ans sur les contreforts de l'Himalaya Indien, où est née ma seconde passion, celle du développement personnel. Je m'intéresse à toutes les cultures et toutes les spiritualités. Au plaisir de vous faire voyager à travers mes articles.