RSA : les 15 à 20 heures d’activité obligatoire suscitent de nombreuses inquiétudes

On en sait un peu plus sur l’expérimentation du RSA sous condition. Cela étant, des doutes planent sur la réalisation du dispositif.

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Le RSA sous condition d’heures d’activité est actuellement en expérimentation dans 18 départements. Ainsi, il y a des doutes quant à sa généralisation.

La mise en place de la réforme dans le Tourcoing

Le Parisien a publié un reportage dans lequel les acteurs de la ville de Tourcoing expliquent comment ils mettent en place la réforme du RSA. En effet, ces acteurs participent à l’expérimentation. Tourcoing est l’une des villes qui expérimentent cette réforme.

C’est dans un lieu unique appelé Maison Nord emploi que les chargés d’orientation du département et les conseillers à Pôle Emploi accueillent les allocataires. Ils sont une dizaine et travaillent en binôme pour mener les premiers « entretiens d’orientation » : 30 minutes pour un diagnostic.

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Ces derniers, qui apprécient la situation des allocataires, orientent ceux-ci, selon un principe partagé pour ces expérimentations, vers l’un des trois parcours d’accompagnement.

« À dominante remobilisation s’ils sont très éloignés de l’emploi, équilibre ou emploi s’ils ont moins de difficulté », selon Stéphanie Feron, cheffe de projet expérimentation RSA à Pôle Emploi nord.

RSA : 15 à 20 heures d’activité hebdomadaire

Qu’en est-il des 15 à 20 heures d’activité hebdomadaire ? Il y a une obligation commune derrière les nouveaux suivis : les réaliser. Il convient de le rappeler : chaque allocataire signe avec son référent un « contrat d’engagement réciproque ». S’il y a non-respect du parcours, l’allocataire s’expose à des sanctions.

« Au premier rendez-vous manqué sans justification, c’est 100 € d’allocation en moins, et au deuxième rendez-vous manqué, l’allocation est suspendue », fait savoir Doriane Bécue, vice-présidente du département et maire de Tourcoing.

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Groupe de candidats méconnaissables en attente pour un entretien d’embauche – Crédits photos : iStock

Pourtant, la Première ministre avait assuré le 13 mai dernier qu’ils vont régler les « autres problèmes préalables » avant de prendre de telles mesures coercitives concernant le RSA. Elle avait cité comme exemple les freins périphériques ou l’obstacle que représente la garde des enfants.

« Jusqu’à présent, on n’a pas de gens qui ne se mobilisent pas (…) les retours sont très positifs », tempère Doriane Bécue.

Depuis avril, ils ont reçu 300 allocataires avec des contacts bénéficiaires.

« Il ne s’agit pas de travail gratuit. Ça peut être un atelier, une formation, mais aussi des heures pour passer son permis de conduire, contacter les bailleurs sociaux, apprendre le français… », selon deux interlocutrices de Maison Nord Emploi sur les démarches demandées.

Des craintes sur la réalisation des activités

Cela signifierait-il qu’il n’y a pas de travail dissimulé ?

« On insiste beaucoup pour intégrer aux heures d’activité des immersions en entreprise, car on est convaincus que c’est une chance pour les demandeurs », reconnaît Virginie Lasserre, préfète déléguée pour l’égalité des chances.

La même inquiétude persiste à propos de l’appariement entre RSA et emplois non pourvus.

« Les activités réalisées pourront être de “tout type”, il est donc à craindre qu’elles ne se fassent uniquement au sein d’entreprises et de collectivités, sans offrir de réel accès à la formation pour les allocataires », prévenait Denis Gravouil au lancement du projet.

Denis Gravouil est, notons-le, le secrétaire général de la Fédération nationale CGT des syndicats du spectacle. Les besoins du territoire ainsi que l’implication des agences de placement et d’intérim entretiennent logiquement la polémique.

Pareillement que l’inscription obligatoire des allocataires du RSA à France Travail via un contrat unique. Cette inscription s’appliquera à la fois aux bénéficiaires du chômage et du RSA. À rappeler que France Travail est la nouvelle entité qui prendra la place de Pôle Emploi en 2024.

Les spécialistes sont sceptiques sur le RSA

Malgré tout, des spécialistes doutent de la capacité du gouvernement et des établissements publics à développer des dispositifs d’accompagnement.

« S’il s’agit de développer des dispositifs d’accompagnement qui ont fait leurs preuves, l’intention est bonne, mais la question concrète va être de trouver des solutions sur mesure, ce qui est redoutablement difficile », prévenait le président du cabinet Quintet conseil en mai dernier.

Récemment, Yves Faucoup a indiqué que cet engagement nécessitait un accompagnement social et professionnel. C’est selon cet ancien cadre dans le travail social ce que les textes en vigueur depuis 35 ans indiquent. Cependant, les sommes qui y sont consacrées sont aujourd’hui passées à 7 % contre 20 % dans les années 90.

« 1,8 million de foyers perçoivent le RSA : la règle des quinze à vingt heures d’activité obligatoire est irréalisable », a-t-il lancé.

RSA : un programme intensif de 15 à 20 heures

La réforme du RSA, qui ne fait que le calquer, prévoit déjà un programme intensif de 15 à 20 heures par semaine. Il s’agit du Contrat d’engagement jeune (CEJ). Cela étant, selon un rapport de l’Igas publié le 26 avril dernier, le quota d’activité exigé par le dispositif n’est pas respecté.

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En effet, plus d’un tiers des jeunes n’atteignaient pas le minimum de 15 heures. 20 % des bénéficiaires n’effectuaient même pas cinq heures. Ainsi, il est difficile d’imaginer que le RSA conditionné obtienne un autre résultat.

« Améliorer l’accompagnement du RSA sur le modèle du CEJ n’est possible que si les moyens financiers suivent. C’est de dix milliards d’euros dont on aurait besoin pour mettre cela en place, et pas deux milliards, comme semble aujourd’hui le prévoir le gouvernement » jugeait Antoine Dulin, président de la Commission de l’insertion des jeunes au Conseil d’orientation des politiques de jeunesse.

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