Objets connectés activés à distance : comment les enquêteurs vont utiliser ce dispositif ?

Depuis quelques jours, un projet de loi prévoit que les autorités pourront accéder aux objets connectés durant certaines enquêtes.

© Crédits photos : IStock

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De nos jours, difficile d’imaginer le quotidien sans tous nos gadgets électroniques. Téléphone, ordinateur, voiture… Les objets connectés font désormais partie de nos vies. Ce qui peut d’ailleurs s’avérer très pratique pour se renseigner, faire ses démarches administratives ou gérer son foyer. Pour autant, ces technologies collectent aussi beaucoup de données personnelles nous concernant. Aussi, les forces de l’ordre pourraient apprendre de nombreuses choses, si elles pouvaient y accéder à distance. Dans ce contexte, le garde des Sceaux, Éric Dupont-Moretti, a porté un projet de lui permettant aux autorités d’activer les GPS, les micros ou encore les caméras des suspects sans qu’ils ne le sachent. Un texte qui fait couler beaucoup d’encre…

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Cette nouveauté, défendu par le ministre de la Justice, pourra rendre possibles plusieurs techniques d’enquêtes jusqu’ici interdites aux autorités. Cela inclut :

  • La captation d’images à distance, via les caméras des ordinateurs, téléphones et autres.
  • L’enregistrement de sons, via les micros des appareils utilisés par un suspect.
  • Mais aussi, la possibilité de géolocaliser des objets connectés, comme les systèmes informatiques des voitures.

Contacté par les journalistes du média Actu, le porte-parole du Ministère de la Justice indique que tous les appareils ayant un micro et une connexion au réseau pourront faire l’objet d’enregistrement à distance. Pour rappel, cette pratique existe déjà dans les services de renseignements depuis plusieurs années. Mais cette fois, il s’agit d’autoriser la police, la gendarmerie à détourner des objets connectés lors d’enquêtes judiciaires. Pour l’heure, le gouvernement assure que ces enregistrements et écoutes ne pourront concerner que les affaires liées à la criminalité en bande organisée ou encore au terrorisme.

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Les associations de défense des droits de l’Homme monte au créneau

Cette perspective n’enchante pas certains observateurs. Notamment au sein des associations qui défendent les libertés et droits individuels. De con côté, le porte-parole du Ministère de la Justice évoque des mesures cruciales pour aider les forces de l’ordre à mener à bien leurs missions. Pour l’heure, les enquêteurs doivent d’abord identifier des endroits, avant de les équiper en micros et caméras. Mais dans certaines circonstances, ils ne peuvent pas se rendre sur place. Ce qui complique considérablement leur travail, tout en les exposant à des dangers. En espionnant les suspects via des objets connectés, ils gagnent du temps, et peuvent opérer en toute discrétion.

Néanmoins, pour Maryse Artiguelong, qui gère le groupe de travail sur le numérique et les libertés à la ligue des droits de l’Homme, cette loi pourrait conduire aux pires dérives. En effet, de nos jours, les objets connectés peuvent prendre des formes très diverses. Et le Ministère de Justice reste flou sur les appareils concernés par le texte. Mais en se fiant à la définition large donnée par le projet de loi, cela pourrait inclure :

  • Les télévisions
  • Les ordinateurs
  • Les jouets pour enfants
  • Les systèmes de vidéosurveillance dans les habitations
  • Les tablettes
  • Les assistants personnels intelligents, comme Alexa ou encore Google home. Pour rappel, ces technologies peuvent gérer les volets électriques ou encore les éclairages d’un logement. En effet, ils permettent de traiter d’autres objets connectés à usage domotique.
  • Les ordinateurs de bords des véhicules roulants

Pour justifier son désaccord, cette responsable de la LDH évoque aussi les dérives observées durant l’affaire des écoutes à Matignon. À l’époque, en 2015, une loi avait autorisé la mise sous surveillance des personnes suspectées de terrorisme. Notamment au moyen d’écoutes téléphoniques. Or, d’après Mediapart, près de 300 techniques de renseignement ont été mises en place. Et ce, sans la validation du Premier Ministre, comme le texte le prévoyait.

objets connectés
En 2023, les objets connectés existent sous de nombreuses formes – Crédits Photos : iStock

Quel cadre légal pour la surveillance des objets connectés ?

Selon Maryse Artiguelong, cette expérience laisse penser qu’on pourra connaître les mêmes actions non autorisées avec l’activation à distance des objets connectés. Ce qui pourrait déboucher sur une mise sous surveillance généralisée, et pas toujours justifiée par une nécessité judiciaire. Mais de son côté, le Ministère de Justice rappelle qu’il existe un cadre bien défini pour l’usage de ces techniques d’enquête. Ainsi, le procureur a l’obligation de faire une demande écrite, en indiquant les motifs qui la justifient à un magistrat. Ce dernier devra ensuite apprécier la pertinente de la requête. Dans ce cas, il rédigera lui aussi une demande motivée.

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L’objectif ? Expliquer pourquoi les techniques couramment utilisées par les enquêteurs ne suffisent pas dans le cadre de cette affaire. De plus, la surveillance des objets connectés ne pourra se faire que sur un délai restreint. L’activation des enregistrements ne pourra pas excéder 15 jours, renouvelable une fois, dans le cas des enquêtes préliminaires, mais aussi en cas de flagrance. Pour les informations judiciaires, le délai maximal pourra aller de 2 à 6 mois.

En outre, le porte-parole du Ministère de la Justice rappelle que le juge pourra mettre fin au dispositif à tout moment. Enfin, les activations d’écoutes sur les objets connectés ne pourront pas concerner les avocats, les magistrats ou encore les élus du parlement.

La ligue des droits de l’Homme craint des atteintes à la vie privée

En effet, on pourrait penser que ces méthodes ne visent que ceux qui détiennent des objets connectés placés sous surveillance. Mais dans les faits, les écoutes et enregistrements peuvent aussi concerner toutes les personnes qui se situent à proximité. Ainsi, si une personne se trouve dans le même restaurant qu’un suspect dont on a activé les micros à son insu, la conversation du tiers pourra être enregistrée.

Et sur ce point, le Ministère de la Justice admet qu’en cas d’écoute, les conversations peuvent s’orienter sur des sujets plus intimes. Néanmoins, il indique que les autorités ne peuvent pas forcément anticiper ces cas. A priori, les enquêteurs doivent stopper la retranscription des discussions. Afin qu’elles ne figurent pas au procès-verbal. Cela dit, les enquêteurs auront tout de même accès à des propos d’ordre privé.

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Sources : actu.fr

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